Au pied de la chaîne de l’Himalaya, une petite communauté de nonnes bouddhistes vit coupée du monde pendant les longs mois de la saison hivernale. Dans ce deuxième documentaire qu’elle leur consacre, Caroline Riegel leur rend un vibrant hommage.
Elles furent longtemps onze ou douze, elles sont maintenant treize. Treize nonnes pratiquant le bouddhisme tibétain qui, par leurs prières, veillent sur les âmes depuis le village de Tungri, au Zanskar, la province la plus enclavée du nord de l’Inde, au pied de la grande barrière himalayenne. Partie de Leh, au Ladakh, Caroline Riegel se lance dans une longue marche d’une centaine de kilomètres, en plein hiver, pour les rejoindre dans leur couvent à plus de 3 700 mètres d’altitude. Accompagnée par deux de ces religieuses et des villageois, la réalisatrice suit la piste du fleuve Tchadar, pris dans les glaces. L’avancée de la petite troupe est ardue ; la voie, incertaine ; les périls, nombreux. Prévu pour durer deux jours, le périple va en nécessiter dix…
Bonheurs simples
Quinze ans après avoir, en plein hiver déjà, fait pour la première fois la connaissance de ces nonnes de la vallée du Zanskar, auxquelles elle a consacré un livre et un film (Semeuses de joie), la voyageuse Caroline Riegel, ingénieure en construction hydraulique, refait la route. Les suivant dans leur quotidien (préparation du lieu de prière, travaux domestiques, rituels, funérailles…), elle recueille leurs confidences et leurs souvenirs. Enfouie sous une épaisse couche de couvertures, Abi Pele, doyenne au visage parcheminé, se désole d’être trop faible pour faire autre chose que prier. Plus jeune, Tsering Dolma se verrait bien réincarnée en homme après sa mort : “Ce serait tellement mieux !”, s’exclame-t-elle : “Les étrangères, vous êtes fortes, mais nous… on n’est pas comme vous.” Moins soutenue par la population que ne le sont les lamas, leurs homologues masculins, ces femmes vivent dans le dénuement – elles n’ont pour vivre que deux vaches et deux champs – mais se consacrent avec dévouement à leur mission tout en cultivant des bonheurs simples. Alors que des routes sont en construction et que l’installation de la fibre s’annonce, cette vallée perdue de l’Himalaya vit peut-être ses derniers moments isolée du reste du pays pendant la saison hivernale. La trace d’un monde menacé auquel Caroline Riegel rend, une fois encore, un vibrant hommage.